Homme, qui suis-je donc pour toi ? Une inconnue aux cheveux bruns. Une fille avec le sourire quand il faut, que tu ne verras jamais avec la larme à l'oeil. Homme, laisse-moi te répondre. En effet, je ne suis qu'une inconnue, la plupart des inconnus sont inintéressants. On les voit passer dans la rue, seuls ou accompagnés. On se demande parfois s'ils sont heureux, que leur vie les satisfait ou s'ils ont peur de rentrer chez eux le soir. On finit finalement par se dire qu'on s'en fout et qu'ils n'ont qu'à vivre leur vie. Je serai sans doute aussi ce genre d'inconnue pour toi. Après tout le monde est si grand. Il n'y a que très peu de chances que nous nous croisions un jour. Mais qui sais, peut-être. ♥
Tout commence par un commencement. C'est logique n'est-ce pas ? C'est pour ça que je commencerais par le début. J'aime être logique quand j'ai l'occasion de l'être. Tout d'abords, je m'appelle Shura Natsuno, 18 ans. J'ai eu une vie très monotone avec des parents très terre-à-terre qui m'ont élevé dans la petite ville de Fuji Yoshida, située près du Mont Fuji. Mon enfance fut rythmée par plusieurs passages normaux de la vie. La seule chose manquante à mon bonheur était un rêve, un objectif à atteindre pour atteindre le summum du bonheur. Mes camarades me voyaient comme une amie gentille, mais peut-être pas assez directe, trop gentille. J'avais ce trop plein de bonne humeur et cette bonté bien trop automatique. Il me manquait quelque chose de très simple pour certains et d'inaccessible pour d'autres :
une raison de vivre. C'est à mes treize ans que mon père décida que nous déménagerions à Tokyo. Ma mère fut surprise par ce choix mais l'accepta. Pour ma part, il n'y eu aucune surprise. J'avais tellement vu mon père se lamenter sur la vie tellement lente dans cette petite ville. Ça ne me fit ni chaud ni froid. J'avais des amis dans cette ville, mais Tokyo était symbole de changement et de toute façon le choix ne m'appartenait pas. Je ne pouvais que l'accepter. On emménagea là-bas au cours de l'été, la grandeur de la ville fut la chose qui me surpris le plus, moi qui n'étais jamais allée plus loin que la ville avoisinante. Tokyo et ses lumières m’hypnotisèrent.
L'été suivant notre emménagement, je tombai malade. Le médecin fut bref, pour que le mal ne se diffuse pas sur le reste de mon corps, il serait dans l'obligeance de rompre le contact avec mes jambes. Je passerais le reste de ma vie dans un fauteuil roulant, condamnée à dépendre des autres. Le choc fut violent. Moi qui avais toujours eu cette soif de découverte ; j'allais être condamnée à passer ma vie dans une chaise roulante. Qu'avait donc été ma faute pour mériter cela ? Qu'avais-je fait ? Personne ne put m'apporter de réponse. Je fus opérée et posée dans un fauteuil. Après cela, je perdis la foi en un quelconque dieu. Je préférais me convaincre qu'il n'en existait aucun que passer le restant de mes jours à le maudire de m'avoir volé mes jambes. Ce fut tellement long, les années passaient à mes yeux tellement lentement ... J'en venais à implorer la mort de venir me chercher. Pour moi, tous les espoirs du monde devenaient inutiles. J'étais tombée dans un trou si profond que même la lumière du soleil n'aurait su me ramener.
Deux ans plus tard, un homme frappa à notre porte en assurant être un grand médecin capable de soigner mon mal. Il avait une blouse de médecin, des cheveux roux décolorés et un œil vairon. Lorsque ma mère ouvrit la porte, elle le pris pour un charlatan et l’envoya promener. Mais il revint chaque jour de la semaine en tentant à chaque fois de convaincre mes parents. Découragés, ils le laissèrent un jour entrer pour examiner mes jambes. Il me trouva dans ma chambre, assise sur le fauteuil que j’avais tant haïs, le regard tourné vers la fenêtre. Le son de sa voix me fit sursauter. Il m’aborda avec un grand sourire en m’abordant tous ses projets d’avenir pour moi. Un futur où je pourrais de nouveau me tenir debout, courir et grimper les escaliers. Son offre me parut impossible, après tout ce médecin m’ayant opéré il y avait deux ans de cela m’avait assuré que je ne pourrais jamais remarcher … je ne pus pourtant pas refuser de le laisser examiner mes jambes. Un peu d’espoir ne m’aurait pas fais de mal …
Après avoir examiné mes jambes et rempli au moins trois pages entières de notes sur son bloc-note, l'homme s'en retourna et nous laissa sans nouvelles pendant près de trois mois. Il revint un jour armé de deux valises et d'un petit garçon au regard vide. A peine ma mère eut-elle le temps d'ouvrir la porte qu'il se faufila dans la maison en murmurant « vite avant qu'il ne soit trop tard ». Sans demander l'avis de personne, il s'arrêta près de notre table à manger et y posa plusieurs papiers. Ma mère déboula en courant suivis de mon père. L'homme leur expliqua brièvement qu'il était parvenu à trouver une solution pour soigner mes jambes, mais que pour opérer il avait besoin de leur autorisation sur les papiers qu'il venait de jeter sur la table. Une demi-heure après, il rentra dans ma chambre et me regarda avec le même sourire qu'il m'avait accordé le jour où nous nous étions rencontrés.
« N'aie pas peur petite, bientôt tu pourras remarcher. » Après avoir plongée mon regard dans le sien, je lui accordai un sourire.
« Merci, de toute façon je n'ai plus peur depuis longtemps. » Après ça, il me prit dans ses bras et me déposa dans son camion. Le petit garçon me prit la main et la serra bien fort dans les siennes. Il ne devait pas avoir plus de cinq ans et la vision de son regard vide me mit des frissons dans le dos. Il murmura
« Dors Mademoiselle, toi tu as encore un peu de temps, il n'est pas trop tard. Ne finis pas comme moi. ». Et me mis un masque sur le visage.
A mon réveil, les visages heureux de mes parents témoignèrent de la réussite de l'homme en blanc. Malgré l'engourdissement de mon corps, je pouvais enfin sentir mes jambes. De nouveau, la joie emplit mes prunelles qui avaient depuis trop longtemps cette teinte brun morne. Ma mère me prit dans mes bras et me serra aussi fort qu'elle put en me murmurant à l'oreille
« Sois heureuse avec nous maintenant, mon rayon de soleil. ». Ses mots me firent pleurer ... La sensation de l'eau coulant sur mon visage me donna des frissons. Cela faisait tellement de temps que mes yeux étaient restés secs. Quelques minutes après, je posais les pieds à terre et me remettait à marcher avec l'aide de ma mère. Mes jambes étaient trop faibles pour me porter, il ne restait qu'à faire de la rééducation pour que je puisse courir à nouveau.
Les saisons se remirent à passer normalement, je courais dans les feuilles en automne, dans la neige en hiver, au milieu des fleurs de cerisier au printemps et dans le sable en été. Le sourire ne m'a pas quitté, enfin l'impression de joie dans mon coeur fut réaliste. Cependant, ma foi en un quelconque dieu ne revint jamais. Le visage du mystérieux médecin ne croisa plus ma route, ce n'est pas pour autant qu'il disparu de ma mémoire, lui et le petit garçon aux yeux vides qui m'avait demandé de ne pas finir comme lui. Grâce à eux, plus rien ne serait jamais comme avant. Il ne me manquait plus qu’une dernière chose pour que mon bonheur soit complet et …
« Shura, viens voir, tu cherchais bien à intégrer un endroit où plus rien ne serait comme avant ? Je pense avoir trouvé ce qu’il faut. »… Il y a des jours où on se demande, vraiment … Et d’ailleurs ; pourquoi j’écris au passé moi !
~ Sweet Amoris Me Voilà ! ~